À la faveur des États généraux de l’alimentation, lancés en août 2017, la transition écologique dans le secteur agricole s’impose de plus en plus comme un sujet d’actualité. Il n’est pourtant pas nouveau. Ces dix dernières années, nombre d’initiatives et d’innovations ont vu le jour pour favoriser la transition de notre modèle agricole vers des modes de production plus respectueux de l’environnement.
L’agtech au bord du boom
Il importe d’abord de savoir de quoi on parle : selon l’Ademe, en 2013 le secteur agroalimentaire français représentait 5,5 % de l’emploi national total et 3,5 % du PIB national. Mais il était également responsable de 20 % des émissions nationales de gaz à effet de serre. L’agriculture a également un impact sur l’érosion des sols, la qualité de l’eau, la pollution aérienne, la biodiversité. Et c’est justement cette responsabilité qui explique que le secteur agricole détient de nombreuses clés pour construire un futur plus respectueux de l’environnement. “La prise en compte de l’environnement, et plus généralement de la durabilité, constitue des opportunités d’innovation, de décloisonnement et in fine de développement pour les acteurs économiques”, écrit l’agence dans une brochure sur L’agriculture en transition. Alors que l’agriculture est toujours “l’industrie la moins numérisée du monde”, comme l’écrit Rob Leclerc dans un article paru chez Forbes, elle est aussi en train d’attirer l’attention des start-upers et des investisseurs : en 2015, pour la troisième année consécutive, l’investissement dans l’“agtech” a brisé tous les records avec 4,6 milliards de dollars investis.
Capteurs, drones et logiciels
L’émergence de ce secteur se fonde sur quelques grandes innovations technologiques. D’abord les capteurs, qui ont constitué la première vague de l’agtech et permettent aux fermiers de suivre le degré d’humidité de leurs sols, mais aussi l’ensoleillement, les variations de température, etc. et d’y adapter leurs décisions. Ensuite ont débarqué les robots, et plus particulièrement les drones, qui aident notamment à anticiper les maladies. Cette approche prédictive permet de diminuer les apports extérieurs et de préserver la biodiversité : c’est ce que développe la start-up CarbonBee, qui tente de réduire l’usage de fongicide sur les pommes de terre grâce à la détection précoce de symptômes de mildiou, à l’aide de drones et de l’imagerie agronomique. Elle a été récompensée lors de la première édition de l’Agri-Challenge McDonald’s, un élargissement de la démarche d’innovation inscrite dans la stratégie Agroécologique de l’enseigne qui identifie des “projets innovants contribuant à rendre l’agriculture plus durable.”
L’étape d’après, qui englobe les précédentes, ce sont les logiciels de gestion des exploitations : des solutions développées pour agréger et analyser toutes les données en provenance de la ferme, qu’elles viennent des drones et capteurs ou des machines agricoles elles-mêmes. Ces logiciels permettent aux agriculteurs d’établir des liens plus précis entre les décisions qu’ils prennent et les résultats qu’ils obtiennent, pour éviter au maximum un “trial and error” peu compatible avec l’agriculture elle-même : “En agriculture, on n’a le droit qu’à 40 essais, comme le dit Duncan Logan, fondateur de l’accélérateur de start-ups RocketSpace, chez Forbes. De votre vingtaine à votre soixantaines, vous n’avez que 40 saisons.” C’est dans le même esprit que s’est fondé FarmLeap, autre lauréat de l’AgriChallenge : pour aider les exploitants céréaliers à répondre aux objectifs de réduction d’impact des intrants et de consommations d’eau et d’énergie, ce réseau de bonnes pratiques leur permet de partager et comparer leurs données pour apprendre des expériences des autres et transitionner plus efficacement.
Le futur, c’est la biotechnologie
Mais il n’y a pas que le numérique qui peut permettre à l’agriculture de faire sa transition : il faudra aussi probablement en passer par la biotechnologie. Pour réduire l’usage de pesticides et fertilisants chimiques, des chercheurs travaillent à développer des équivalents naturels et respectueux de l’environnement. La recherche sur le microbiome des plantes et les moyens d’accroître les rendements sans avoir recours à plus d’intrants est également une direction importante. Du côté de l’élevage, la jeune entreprise Inalve, issue de l’Inria et de l’Université Pierre et Marie Curie et créée en 2016, développe une farine végétale à base de micro-algues : une source durable de protéines qui favorise le bien-être animal et contribue à réduire les consommations directes d’énergie et d’eau. Cette solution lui a aussi valu d’être distinguée par l’AgriChallenge 2017.
Enfin, le futur de l’agriculture écologique tiendra-t-il à l’édition génétique ? De plus en plus de start-ups couplent d’un côté le big data et l’intelligence artificielle et de l’autre les outils d’édition du génome (comme CRISPR) pour développer des cultures plus rentables, solides et sûres, sans avoir besoin de passer par la case OGM. Alors que l’agtech semble être en passe de devenir un secteur d’innovation ultra-dynamique, une chose est sûre : la transition écologique ne se fera pas sans technologie.
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