Si l’on adoptait une agriculture plus raisonnée, les sols pourraient « éponger » l’excédent de nos émissions carbone. Mais ce processus dit de séquestration rencontre aussi des limites.
C’est la bête noire des défenseurs du climat : le CO2. Chaque année, 20 milliards de tonnes de dioxyde de carbone sont injectées dans l’atmosphère, venant s’ajouter aux émissions précédentes et aux autres gaz à effet de serre, qui tous ensemble, accélèrent le réchauffement climatique.
Si l’intégralité des exploitants agricoles favorisaient le stockage du carbone dans leurs terres, on réussirait à faire baisser de 50% à 80% l’impact des émissions annuelles de gaz à effet de serre associées à la combustion d’énergies fossiles.
Mais ces gaz relâchés ne représentent qu’une partie des émissions totales de CO2. En effet, une bonne partie est absorbée en amont par des puits de carbone, autrement dit les océans et les forêts. Via la photosynthèse, les végétaux absorbent le carbone atmosphérique et le transforment en sucres (hydrates de carbone). Ces derniers alimentent les plantes, s’infiltrent le long des racines, pénètrent dans le sol et nourrissent les micro-organismes qui fertilisent les sols. Un système naturel, incroyablement performant. Alors, la solution à nos émissions de carbone ne serait-elle pas tout simplement sous nos pieds ?
Pour le ministère français de l’agriculture, la réponse est clairement oui. Lors de la COP 21 en novembre 2015, Stéphane Le Foll, alors ministre de l’agriculture, a lancé le programme de recherche « 4 pour 1000 « . Objectif : « développer la recherche agronomique pour améliorer les stocks de matière organique des sols de 4 pour 1000 par an ». Une telle progression suffirait à absorber la totalité des émissions annuelles de dioxyde de carbone issues des énergies fossiles.
Plus on couvre les sols, plus ces derniers sont riches en matières organiques et en carbone. L’enjeu est donc de favoriser des techniques qui préservent ce couvert végétal, comme le non-labour, l’agroforesterie ou l’introduction de cultures intermédiaires sur des surfaces laissées à nu. Selon une étude publiée en 2014 par le Pr. Chenu de l’INRA dans Innovations Agronomiques, « la technique de non-labour pourrait permettre de stocker en moyenne 0.15 t/ha/an de carbone supplémentaire dans les sols et l’agroforesterie deux fois plus ». Mieux encore, d’après un article de Keith Paustian paru dans la revue scientifique Nature, si l’intégralité des exploitants agricoles favorisaient le stockage du carbone dans leurs terres, on réussirait à faire baisser de 50% à 80% l’impact des émissions annuelles de gaz à effet de serre associées à la combustion d’énergies fossiles.
En plus de piéger davantage de carbone, ces méthodes ont aussi d’autres gros bénéfices : l’amélioration de la fertilité, une meilleure retenue des eaux dans les sols, la restauration de terres arables dégradées etc. Pour, in fine, assurer la sécurité alimentaire mondiale.
Entre les sommets rocheux, les déserts, les terres agricoles surexploitées et les tourbières saturées, seuls 10% des sols de la planète seraient à même d’absorber le carbone.
Si elle suscite de nombreux espoirs, la séquestration du carbone dans les sols n’est cependant pas une solution miracle. Tout d’abord pour une raison très simple : toutes les terres n’ont pas la capacité de piéger le CO2. Entre les sommets rocheux, les déserts, les terres agricoles surexploitées et les tourbières saturées, seuls 10% des sols de la planète seraient à même d’absorber le carbone, selon des chercheurs qui ont publié un rapport sur la question dans la revue Geoderma en début d’année.
Car à long terme, les sols que l’on travaille peu deviennent plus spongieux : ils absorbent l’eau mais rejettent le carbone.
Autre problème de taille : l’épiderme terrestre ne stocke pas autant que prévu. Selon une récente étude menée par l’INRA, un travail moins intensif du sol booste le stockage seulement sur une courte période. Après les quatre premières années, le niveau de séquestration stagne, avant de décliner au bout d’une vingtaine d’années. Car à long terme, les sols que l’on travaille peu deviennent plus spongieux : ils absorbent l’eau mais rejettent le carbone.
Enfin, si l’on veut piéger davantage de carbone dans les sols, les agriculteurs doivent être formés à de nouvelles techniques. Leur mise en place, comme planter des arbres sur des parcelles ou améliorer la gestion d’eau, aura aussi forcément un coût à prévoir.
Piéger le carbone sous nos pieds n’est donc pas si simple et n’apporte qu’une solution partielle aux émissions de CO2. C’est pourquoi le principal objectif reste de réduire ces émissions. Pour rappel, lors de la COP 21, les scientifiques ont estimé que les émissions de CO2 devaient baisser de 0,9 % par an jusqu’en 2030 pour maintenir le réchauffement global en dessous de 2 degrés. On est encore loin du compte.
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