Consacré depuis quatre ans dans la restauration, le « fait maison » est plus qu’un gage de qualité : c’est une tendance qui démontre notre envie de reprendre le contrôle sur ce que nous mangeons, et de nous sentir à nouveau capables de nourrir ceux que nous aimons.
Il y a tout pile quatre ans, en juillet 2014, entrait en vigueur le décret relatif à la mention « fait maison » : il impose aux restaurateurs et traiteurs de faire apparaître cette mention pour « tous les plats cuisinés entièrement sur place à partir de produits bruts », comme l’explique le site du ministère de l’Économie et des Finances. La mesure a pour double objectif de valoriser le travail des restaurateurs qui cuisinent réellement sur place, et de mieux informer les consommateurs. Elle répond en effet à une tendance de fond qui revalorise fortement le fait maison : l’envie de comprendre d’où vient ce que l’on mange, et même d’apprendre à le faire soi-même.
La multiplication des labels de qualité
Si la France est réputée dans le monde entier pour sa gastronomie et ses techniques de cuisine avancée, la réalité de la restauration est bien différente : comme le rappelle Le Monde, près de 80% des établissements pratiqueraient une cuisine dite d’assemblage, qui utilise des produits déjà préparés. L’initiative « fait maison” a d’ailleurs fait grincer des dents lors de son lancement, car la liste des “produits bruts” autorisés pour pouvoir utiliser la mention était pour le moins large : elle comprenait les produits « épluchés, à l’exception des pommes de terre, pelés, tranchés, coupés, découpés, hachés, nettoyés, désossés, dépouillés, décortiqués, taillés, moulus ou broyés, fumés, salés » aussi bien que « réfrigérés, congelés, surgelés, conditionnés sous vide ». Pas franchement de quoi privilégier la cuisine faite à partir d’ingrédients frais et de saison.
Un an plus tard, un autre décret a donc simplifié tout cela pour n’appeler « fait maison » que les plats entièrement cuisinés sur place et à partir de produits crus (à l’exception des pâtes, du pain et du fromage). Mais il n’est pas le seul à distinguer la cuisine qui ne se contente pas d’apporter une touche finale à des produits déjà prêts : depuis 2013, le Collège culinaire de France décerne le label « Restaurant de qualité » aux « professionnels pratiquant une restauration de qualité, faite maison » ; le label « Restaurateurs de France », reconnu par l’État, sanctionne le respect d’une charte de qualité en 105 points ; le titre de « Maître restaurateur », décerné par l’État, garantit l’utilisation d’au moins 80% de produits frais, etc. Autant d’initiatives qui démontrent l’intérêt des consommateurs pour une cuisine plus authentique.
L’apprentissage de la cuisine à la maison
Assez logiquement, cet engouement pour le fait maison ne s’arrête pas à la porte des restaurants, et entre aussi… à la maison. Les Français sont en effet de grands amateurs de cuisine : selon la 9e vague de l’Observatoire de la vie quotidienne des Français BVA-La Dépêche-Foncia, réalisée à l’occasion de l’édition 2017 de la fête de la gastronomie, 68% des Français apprécient faire la cuisine. Ils sont 63% à cultiver chez eux des fruits, légumes ou herbes aromatiques, et 88% ont déjà mangé des produits bio. La tendance « Do It Yourself », très forte dans la déco notamment, s’observe aussi dans la cuisine : à coups de vidéos en ligne, de sites de recettes et de cours de cuisine, on apprend à faire soi-même des plats de A à Z.
Si seulement un Français sur dix a déjà pris des cours de cuisine, toujours selon le même sondage, 31% aimeraient bien en prendre, et 73% pensent qu’il serait une bonne idée d’enseigner la cuisine à l’école. Depuis le milieu des années 2000, le succès des cours ne se dément d’ailleurs pas. L’Atelier des chefs, lancé en 2004 par les frères Nicolas et François Bergerault avec l’ambition de « remettre les Français aux fourneaux », en est un bon exemple : l’entreprise dispose aujourd’hui d’un réseau de 16 ateliers où 200 000 apprentis chefs viennent se former chaque année. En 2017, sa première promotion de i-Chefs, qui a suivi des cours intégralement en ligne, a obtenu son CAP cuisine.
Retrouver le contrôle… et le plaisir
Ces dernières années, des scandales sanitaires à répétition ont également mis en lumière le fait que nous étions devenus complètement déconnectés de ce que nous mangions. Mais comme à toute chose malheur est bon, ils ont aussi changé nos habitudes alimentaires : 24% des personnes interrogées par BVA-La Dépêche-Foncia ont ainsi abandonné pour de bon certaines de leurs habitudes, et 29% les ont modifiées au moins temporairement. Dans ce contexte, le fait maison apparaît comme un moyen de reprendre le contrôle et de se prémunir contre les mauvaises surprises. Mais c’est aussi une manière de revenir aux fondamentaux de la cuisine : le plaisir et le partage.
Comme l’explique Nicolas Bergerault à Challenges, « la cuisine n’est plus une corvée ménagère mais un élément de valorisation ». Au-delà de l’envie de maîtriser ce que l’on mange, il y a une vraie satisfaction à imaginer ses recettes, choisir ses produits, se mettre aux fourneaux… et pouvoir dire à ses amis : « c’est fait maison ».
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