Dans Les Echos , le 9 avril dernier, Olivier Babeau, directeur de l’institut Sapiens, “think tech” français, et professeur des sciences de gestion à l’université de Bordeaux, proposait une récompense originale pour celles et ceux effectuant le tri de leurs déchets : une cryptomonnaie. Pour nous éclairer davantage sur ce système qu’il défend, il a répondu à nos questions.
Quel est l’état des lieux du tri des déchets en France aujourd’hui ?
Le tri a fait beaucoup de progrès, mais ils se ralentissent désormais. Le taux de recyclage des emballages ménagers atteignait 67% en 2014. Seuls 44% des ménages trient systématiquement, avec de très grosses variations selon les zones. Les grandes villes, spécialement dans les zones les plus pauvres, trient par exemple très mal… Nous sommes aussi loin d’être exemplaires parmi les pays développés : l’Allemagne atteint un taux de collecte des emballages de boisson de 90%, contre 60% chez nous.

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Le grande complexité des règles de tri, la multiplication du nombre de bacs, le manque d’harmonisation concernant leur couleur entre régions (qui devrait bientôt être enfin résolu) rend les progrès très lents. Or sans tri correct, impossible d’imaginer recycler et favoriser l’économie circulaire.
Pouvez-vous détailler en quoi, selon vous, les Trashcoins permettraient de mieux répondre au défi du tri des déchets ?
Le slogan « faire des déchets une ressource » ne peut devenir réalité que si nous donnons une valeur au déchet, créant de facto un marché pour eux. Les campagnes d’incitation sont très belles, mais leur efficacité est limitée. Le Trashcoin que je propose serait une monnaie spécialement créée pour rémunérer le geste de tri. Par exemple, celui qui rapporte ses piles usagés ou son appareil électroménager hors d’usage au lieu de le jeter se verrait crédité d’un certain nombre de Trashcoins via une application très simple. Ce porte-monnaie électronique serait utilisable, mettons, pour diminuer le prix de prochains achats.

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Vous défendez un système incitatif basé sur une crypto monnaie “Trashcoin” plutôt qu’un système basé sur la consigne, pourquoi ce choix ? Et en quoi pourrait-il constituer un meilleur mécanisme incitatif ?
Le Trashcoin n’est pas très éloigné de la consigne. Dans son principe, il s’agit de rendre à la personne qui ramène le produit une partie du coût prélevé pour son recyclage (l’éco-contribution). Typiquement, 10 à 25 centimes par bouteille plastique par exemple). Le Trashcoin aurait l’intérêt de rendre le système particulièrement simple : une monnaie programmable, créditable et débitable via un smartphone, donnerait au système la fluidité dont il a besoin pour être généralisé.
Quelles initiatives (à l’étranger par exemple) vous semblent intéressantes pour encourager à trier ?
Chaque pays a sa culture différente en la matière, et la sensibilité n’est pas la même d’une région à l’autre. Le plus urgent serait qu’une vraie réflexion soit menée en zone urbaine dense sur le développement, en particulier dans les nouvelles constructions, de locaux adaptés aux nombreux bacs et points d’apport.
Au-delà du tri, quels sont aujourd’hui les grands enjeux de la chaine de valeur du déchet ?
Il existe encore d’importants progrès à faire en matière d’utilisation des technologies pour optimiser la collecte des déchets. Au-delà, l’éco-conception qui est indispensable à la possibilité de recyclage doit encore être considérablement améliorée. L’inscription dans une logique de développement durable de l’ensemble de la production sera réussie quand elle deviendra un argument commercial à part entière pour les industriels. Elle leur permettra d’inclure les coûts induits dans leur prix sans que cela constitue un handicap concurrentiel. Ce n’est pas encore suffisamment le cas.
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